Au moment où les dirigeants mondiaux se sont réunis à Glasgow pour la Cop 26, du 31 octobre au 12 novembre 2021, l’Église s’engage dans la lutte pour la transition écologique. Si ses rapports avec la nature n’ont pas toujours été simples, elle en fait désormais un impératif moral. Et tout s’accélère depuis l’encyclique Laudato Si publiée en 2015…
Les décideurs politiques doivent « de toute urgence fournir des réponses efficaces à la crise écologique et offrir un espoir concret aux futures générations », a rappelé le pape dans un appel aux membres de la Cop 26, diffusé sur la BBC vendredi 29 octobre. (…) François a souligné à nouveau la nécessité de « prendre des décisions radicales » afin de protéger notre « maison commune », et abandonner « l’isolationnisme et le protectionnisme » pour voir dans cette crise « une chance pour le changement, pour un véritable moment de conversion ». Après de longues années passées à structurer sa doctrine écologique, l’Église multiplie désormais les incitations à la transition auprès des dirigeants mondiaux, et entend bien faire peser le poids des deux milliards de chrétiens dans le monde.
Auparavant, le 4 octobre 2021, une quarantaine de responsables religieux et des scientifiques venus du monde entier se sont réunis autour du pape François pour faire entendre une nouvelle fois leurs voix en faveur du climat. Un appel commun a été signé, puis remis au président de la Cop 26, Alok Sharma. Ce texte exhorte les gouvernements à adopter des politiques respectant réellement « une trajectoire qui permette de limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 1,5° C ». (…)
L’Église se fait, depuis, moins timide dans la responsabilisation des acteurs qui participent au réchauffement climatique. Dans une vidéo s’adressant aux membres du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) début septembre 2021 à Marseille, le Vatican s’est fermement opposé au lancement en Ouganda d’un plan de construction de 400 puits de forage pétrolier, d’ici à 2025, par TotalEnergies. « Cette position claire sur les projets pétroliers n’existe que depuis peu de temps, explique la juriste du mouvement Laudato Si. Depuis quelques années seulement, les congrégations religieuses avancent avec l’idée que les énergies fossiles sont un problème moral ».
« Nos abus, notre guerre contre le climat affectent les plus pauvres d’entre nous », rappelait le pape François dans son discours « Foi et science : vers la Cop 26 », prononcé le 4 octobre 2021. (…) Soutenu par d’autres leaders religieux, dont le grand imam de l’université égyptienne d’al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, ou l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, François appelle dans son discours à « un pèlerinage vers une économie propre » et décarbonée. Le 1er septembre 2021, les responsables des Églises catholique, orthodoxe et anglicane signaient la première déclaration oecuménique sur la protection de l’environnement. « Nous appelons tout le monde, quelle que soit sa croyance ou sa vision du monde, à s’efforcer d’écouter le cri de la terre et des pauvres », presse la lettre.
La pétition catholique mondiale lancée par quelque 300 ONG début septembre 2021 et signée par le cardinal Peter Turkson, appelant les membres de l’UICN à « fixer un nouvel objectif pour la biodiversité afin de garantir la conservation de 50 % des terres et des eaux », au lieu de 30% actuellement, a été une énième démonstration de la pression qu’est prête à mettre l’Église dans le contexte de la Cop 26. (…)
Si ces réflexions sont toujours en construction au sein des instances religieuses, les communautés de croyants n’ont pas attendu leur feu vert pour se mobiliser. Depuis les années 1980, les ONG et associations de chrétiens, comme les pionniers Pax Christi ou Chrétiens unis pour la terre, ont lancé la réflexion. Dans les diocèses français, la transition s’organise, avec la création des Assises chrétiennes de l’écologie, qui ont donné lieu, en 2017, à la naissance du label oecuménique « Église verte ». Conçu comme « un outil à destination des paroisses et églises locales qui veulent s’engager pour le soin de la création », il est porté par la Conférence des évêques de France, la Fédération protestante de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. Il propose aux communautés locales de réaliser un diagnostic écologique de la paroisse, en matière d’architecture, de célébration et de style de vie, et de s’engager à progresser dans ces domaines. Environ 550 paroisses ont déjà reçu ce label.
À l’échelle mondiale, des réseaux interreligieux comme Greenfaith s’appuient sur la richesse de ces tissus associatifs confessionnels pour frapper à la porte des concernés. Les 17 et 18 octobre 2021, le réseau a coordonné plus de 500 actions simultanées contre les comportements et politiques « climaticides », dans une quarantaine de pays, dont le jeûne organisé devant le siège de TotalEnergies. « Le Vatican a réussi à organiser la déclaration interreligieuse sur le climat la plus importante qu’on ait vue » salue Martin Kopp, théologien et chargé de mobilisation à Greenfaith.(…)
Source : la Vie (2/11/2021)